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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

« Georges Jacob Holyoake appartient à cette phalange d’hommes remarquables qui, de simples ouvriers, sont parvenus à force d’énergie, de bonne conduite, d’amour de l’étude, de travail, de persévérance et de respect de soi-même et d’autrui, non-seulement à se faire une position honorable et honorée, mais à acquérir sur leurs contemporains une influence qu’il est impossible de méconnaître… Ce n’est pas, comme on peut bien le penser, sans avoir payé de sa personne qu’Holyoake est arrivé à la situation éminente qu’il occupe aujourd’hui. Une condamnation à six mois d’emprisonnement pour crime — d’athéisme — fut prononcée contre lui en 1842. C’est une des dernières persécutions religieuses qui aient souillé les annales de la justice en Angleterre… Le nom d’Holyoake est encore intimement associé aux dernières luttes de la presse anglaise contre les lois fiscales qui entravaient sa liberté. Lorsque le parti libéral eut résolu, pour obtenir le rappel de la loi du timbre, de mettre le gouvernement au pied du mur, en commettant un acte de résistance ouverte, c’est-à-dire, en publiant et vendant des journaux non timbrés, Georges et son frère Austin, furent les seuls, de tous les propriétaires de journaux à Londres, qui eurent le courage de mettre à exécution la résolution prise. Ils s’exposèrent par là non-seulement à être emprisonnés, mais à être vingt fois ruinés, car les amendes qu’ils auraient pu encourir se seraient élevées à plusieurs millions de francs. »


Il est bon de dire que, dans les comtés du Lancashire et du Cheshire où la Coopération est si fort prospère, 22 000 ouvriers font partie des Mechanichs’ Literary Associations, et 8 500 ouvriers suivent les classes d’adultes. Un concours fut institué parmi les membres de ces sociétés littéraires et 1 200 d’entre eux entrèrent en lice. Le second chef des Tories, M. Disraeli, qui présidait la distribution des prix, s’exprimait ainsi : « J’ai examiné la liste de ceux qui ont obtenu pour ainsi dire un certificat d’excellence pour les matières sur lesquelles on les a examinés, et quels sont ceux auxquels j’ai l’insigne honneur d’offrir un témoignage en constatation de leur mérite et de leurs travaux. Ce sont des mécaniciens, fondeurs, filateurs et brocheurs ; ils représentent tous les travaux de nos fabriques… Qui dira désormais que ces institutions n’ont pas rempli leur objet, et qu’elles ne répandent pas le goût de l’instruction et la culture de l’intelligence ? » Et, ajoute M. Ashworth : « Ces ouvriers résident pour la plupart dans des maisons pour lesquelles ils payent seulement de 125 à 450 fr. de loyer par an ! » — Remarque d’une originalité tout anglaise.

En 1861, plus des deux tiers des Coopérateurs appartenaient aux associations dites de tempérance, mais qui devraient plutôt s’appeler d’abstinence, car leurs membres jurent de renoncer désormais à toute espèce de liqueurs fortes et de boissons fermentées. Qu’on se rappelle le magasin de Londres que ses actionnaires baptisèrent du nom de l’Energetic Teetotaller. plu-