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La Peine de Mort


MESSIEURS

Je n’ai pas l’honneur d’être citoyen suisse et je ne connais que très imparfaitement la constitution dont quelques pétitionnaires demandent à supprimer un article ; mais il s’agit ici d’une question humaine agitée dans tous les pays civilisés. En qualité d’homme et d’international, j’ai le droit de traiter cette question, j’ai malheureusement aussi à m’en occuper comme Français, car ma patrie est encore un pays de coupe-têtes, et la guillotine, qui y fut inventé, y fonctionne toujours.

Ennemi de la peine de mort, je dois essayer d’abord d’en connaître les origines. Est-ce justement qu’on la fait dériver du droit de défense personnelle ? S’il en était ainsi, il serait difficile de la combattre, car chacun de nous a certainement le droit de se défendre et de défendre les siens, soit contre la bête, soit contre l’homme féroce qui l’attaque. Mais n’est-il pas évident que le droit de défense personnelle ne peut être délégué, car il cesse immédiatement avec le danger ? Quand nous prenons dans nos mains la vie de nos semblables, c’est qu’il n’y a pas de recours social contre eux, c’est que nul ne peut nous aider ; de même quand un homme se place en dehors des autres, au-dessus de tout contrat et qu’il fait peser son pouvoir sur des citoyens changés en sujets, ceux-ci ont le droit de se lever et de tuer qui les opprime. L’histoire nous donne heureusement des exemples nombreux de la revendication de ce droit.

L’origine de la peine de mort, telle que l’appliquent actuellement les États, est certainement la vengeance,