Page:Reclus - Le Mariage tel qu’il fut et tel qu’il est.djvu/15

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qui se sont donnés la peine de naître. Les deux espèces, prétendait-on, reproduisent les qualités des sexes, dont elles sont issues ; ne différant pas moins par l’intelligence et la moralité que par l’organisme physique ; car autre est l’âme virile, autre l’âme féminine. L’homme est de principe actif, la femme de principe passif ; le premier est d’essence spirituelle, et par les éléments qui le constituent, allié au feu, à l’éther, aux substances lumineuses ; mais la seconde, foncièrement matérielle, est formée de molécules aqueuses et terreuses, imprégnée de choses obscures. Les mâles par excellence, guerriers et laboureurs, chefs de clans ou de tribus, possesseurs de champs et de troupeaux, fiers de leur famille héroïque, de leurs quartiers de noblesse ou de paysannerie, de leurs ancêtres et dieux lares, de leur autel domestique, rois en ce monde et se préparant à être dieux dans l’autre, se donnaient comme représentant la raison dominatrice de l’Instinct, comme personnifiant la civilisation qui asservit la Nature, comme domptant la tourbe humaine et animale.

Qui leur a valu ces grandioses prérogatives ? L’hérédité, la transmission des vertus divines, de père en fils. Sachez qu’ils sont, chacun de son côté, les rejetons des Immortels qui, à l’aurore du monde, se plurent à féconder les plus belles d’entre les filles de Demêter ; apprenez qu’ils sont de race solaire, enfants de l’Astre du jour, lequel renaît, chaque matin, du sein de la nuit, et chaque printemps du sommeil de l’hiver ; ils portent l’incorruptibilité en eux-mêmes, ils ont les promesses de la résurrection. Mais le peuple, lui, mais la femme, mais la Terre, ressortissent à la Lune, dont la lumière subtile et froide pleut la corruption dans notre atmosphère. En conséquence, les orthodoxes de la doctrine brûlaient les cadavres des hommes et des guerriers dont l’esprit était censé, sur les ailes de la flamme, ascendre les espaces célestes, pour s’y mélanger avec la lumière astrale. Quant à la dépouille mortelle des filles et des mères, ils l’enfouissaient, mêlant l’argile à l’argile et la poudre à la poudre. D’où les hésitations de l’Église Chrétienne, qui eut peine à décider que la femme, aussi bien que l’homme, jouit d’une âme immortelle.

La femme ayant été décrétée d’infériorité, ne pouvait manquer d’être aussi chargée d’iniquité et de malice. Si elle est passive par essence, elle ne saurait franchir les étroites limites à elle assignées