Page:Reclus - Le Mariage tel qu’il fut et tel qu’il est.djvu/16

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que pour tomber dans la perversité, que pour gâter et détériorer ce qu’elle touche. On lui prouve qu’étant matière, et rien que matière, elle ne peut que se mettre en hostilité avec l’esprit ; qu’elle est impudique avant même l’éveil des sens, que sa chair est pécheresse plus que toute autre chair. On enseigna que par elle la mort est entrée dans le monde, on démontra qu’elle propage et perpétue le péché originel, qu’elle est la fontaine même du mal.

D’où la supériorité du célibat sur le mariage, de la vie monastique sur la vie familiale : dogme professé par la plupart des religions, notamment par celle qui règne et gouverne dans nos parages. D’où la croyance en la sainteté du prêtre, parce qu’il crie à la femme : « Ne me touche point ! Noli me tangere ». D’où les commentaires sur la parole du Maître reprochant à la malheureuse qui avait frôlé le bord de la tunique sans couture : « Une vertu est sortie de moi ». D’où les louanges décernées par l’Église à des marmots singulièrement précoces, dont la sainteté monstrueuse s’offusquait à voir les seins de la nourrice et qui même refusaient de se laisser allaiter par leur mère.

Puisque la femme est, disait-on, un être inférieur, et même un être pervers, il eut été absurde de lui témoigner respect et estime, de lui reconnaître aucun droit, de la laisser maîtresse de ses actions, libre d’aller et de venir. Sauf l’antique Égypte, sur laquelle planait le doux génie d’Isis, déesse toujours compatissante, toujours aimante et généreuse ; sauf le Bouddhisme, qui eut des trésors de compassion pour toute la création, protégea la femme — non toutefois sans quelque défiance, montrant, en somme moins de pitié, moins de tendresse pour elle que pour les animaux ; — sauf encore quelques sectes, parmi lesquelles la Pythagoricienne, toutes les civilisations, toutes les religions à nous connues, qui envahirent la scène du monde pour s’entredéchirer, ne s’accordèrent que sur un point : la haine et le mépris de la femme. Brahmanes, Sémites, Hellènes, Romains, Chrétiens, Mahométans[1], jetèrent à la malheureuse chacun sa pierre ; tous se firent une page dans cette histoire de honte et de douleur, de souffrance et de tyrannie. Nous le disons très sérieusement, sur ce point, notre humanité, si vaine de sa culture, se ravala au-dessous de la plupart des espèces animales. Des Grecs, les plus policés de leur époque, édictèrent l’abominable for-

  1. Voir à ce sujet, la brochure d’André Lorulot « Notre Ennemie : La Femme », 1,15 franco. (Note de l’Éditeur).