Page:Reclus - Le Pain.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
le pain

À Ceylan, le fiancé et ses amis apportent leurs présents à la fiancée qu’on installe sur une table, à mi-jambes dans un monceau de riz. Dans les diverses provinces de l’Inde, dans l’archipel malais, on jette du riz sur la tête de la fiancée ; en Chine des grains de blé. En Albanie et en Allemagne, la mariée s’en met dans les souliers. Dans les contrées slaves, on déverse sur la nouvelle épousée toute une pluie de blé, de pois et d’orge ; elle en répand elle-même dans chaque chambre, à tous les coins de la maison ; et le soir, en se déshabillant, autant il lui restera de grains dans le sein, autant elle portera d’enfants. C’est encore une coutume dans le Yorkshire de couper le gâteau de noces en petits morceaux qu’on jette à la tête des nouveaux mariés.

Ce qui suit est de « même farine » :

« Mettez un croustillon dans la bouche du nouveau-né. Le pain et lui seront paire d’amis et le mioche deviendra robuste et point gourmand.

« Que le parrain n’oublie pas d’enclore deux ou trois miettes dans l’acte baptismal, afin que le filleul soit toujours pourvu.

« Dans le berceau, sous la couchette, un chanteau, et dès que le marmot marchera, vous lui en attacherez un fragment au cou par un cordon. »

Les Alfures de Ceram usent de la même précaution. À la naissance d’un rejeton, ils suspendent au-dessus de la case une noix de coco emplie de riz et de sagou et la laissent aussi longtemps qu’elle veut tenir. C’est pour que le jeune citoyen ait de la mangeaille par dessus la tête.

Nous avons vu avec quelle minutie il faut veiller à ne pas laisser une miette se perdre. Tant s’en faut néanmoins que cette économie implique avarice ; loin d’exclure la libéralité, elle a pour objet de la rendre plus facile, tout en lui donnant plus de prix. Le pauvre qui contribue « même de son nécessaire » est loué pour sa générosité, la veuve est admirée pour le don de sa « pite » ; mais le riche parcimonieux est estimé à l’égard d’un criminel, et quant au prodigue, il est, par le Coran, qualifié sans ambages de frère de Satan.