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le pain

L’auriez-vous deviné ? Donar, le fulminant Donar, l’auguste Tonnerre, se montre friand d’avoine, tout comme Wodin qui la préfère à tout autre mets, et ni plus ni moins que le cheval, son compagnon préféré, auquel il ne peut rien refuser. La femme enceinte, dont le terme approche et qui veut obtenir prompte délivrance, fait manger son tablier plein d’avoine à bon cheval, pour que bon cheval dise en sa faveur un petit mot au Maître là-haut. On devine assez la similarité que l’ingénieuse personne voudrait établir entre la naissance instantanée de l’éclair et celle de l’enfant qu’elle attend. Il est parfaitement justifié, le dicton allemand : « Bouillie d’avoine, régal des dieux. »

Aux dernières nouvelles, les Finnois faisaient cuire un pain pour le Tonnerre de juillet, et, au printemps suivant, ils le faisaient manger aux « jeunesses » de la maisonnée. Comme il était tendre, on peut le penser ; mais il faisait des garçons des hommes puissants et des filles des femmes fécondes.

Nul n’ignore que les peuples de tout pays ont eu pour principal objet de culte d’offrir à leurs divinités des repas aussi copieux qu’il leur était possible ; étant toujours affamés, ils supposaient que, même pour les immortels, il n’est plus grand bonheur que ripailles et bombances.

« Ô Indra, reçois dès le matin le soma que nous t’offrons avec ces beignets, ce plat de caillé, ces gâteaux et ces hymnes ! »

À leurs dieux, les peuples riches prodiguaient les quartiers de chair crue ou rôtie, sangliers, bœufs embrochés tout entiers, du pain par charretées. Les plus pauvres comme les Toungouses barbouillaient de sang et de graisse le museau de leurs informes divinités. Le pain qu’on leur servait devait être arrosé de sang, condiment suprême et universel ; et précisément le mot d’immolation a signifie en premier l’aspersion du sang de la victime faite sur le mola ou farine de grain moulue.