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les inoïts occidentaux.

« Peu à peu les spectateurs s’échauffent, accompagnent du geste. On produit des chansons de circonstance : événements contemporains, batailles et traités de paix, aventures de chasse, incidents de voyage, accidents de bateau[1]. L’enthousiasme augmente avec le bruit des applaudissements. Mais sans banquet pas de vraie fête. Sortent comme de dessous terre des enfants superbement accoutrés, marchant en mesure, avec une gravité parfaite, apportant des platées de poisson bouilli, des viandes, des lampées d’huile, de la moelle de renne, et, pour dessert, des myrtiles brouillées dans la graisse et la neige. Les hôtes conviés à la solennité consomment une telle quantité de provisions, que souvent la fête est suivie d’une véritable famine — mais on n’en a que plus d’honneur. Pour la meilleure digestion, danse générale, après laquelle chacun est gratifié d’une pincée de tabac[2]. »

Les solennités de l’An Neuf ne sont pas toujours célébrées par les deux sexes en commun ; parfois les femmes et les hommes font fête à part — et peine de mort pour les curieux ou les indiscrètes.

On s’assemblait la nuit, pour danser au clair de lune, on dépouillait ses vêtements, même par les froids de plusieurs degrés. La nudité est le vêtement sacré, l’homme le revêt pour approcher la divinité. Quand il gèle à pierre fendre, les pas ne traînent guère, et la gesticulation s’accentue. Sur ces corps nus, des figures larvées. Le masque aveugle, retenu par une courroie bouclée derrière la tête et un mors que crochent les dents, empêche de voir plus loin qu’un ou deux pas devant les pieds. Il ne sert qu’une fois ; après la solennité on le met en pièces. Tant qu’on le porte on est sous l’influence de l’Esprit qu’il re-

  1. Venjaminof.
  2. Dall.