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agape.

présente, génie redoutable dont le regard lance la mort ; aussi se garde-t-on bien de lui ouvrir les yeux.

Agape ou sainte communion :

« Les jeunes gens se sont badigeonnés et mis en couleur ; marchant à la queue leu leu, ils quêtent de famille en famille, emportent de chaque maison au moins un plat. Au kajim, orné de gala, l’orchestre joue des mélopées monotones que l’assistance accompagne. Arrivent les quêteurs, psalmodiant et sifflotant aussi. Ils élèvent leur plat au-dessus de la tête, le présentent aux points cardinaux en commençant par le Nord. Les Quatre Vents sont invités par l’angakok, qui implore leur bienveillance.

« Le lendemain, hommes et femmes vont, en plein air, se ranger en cercle autour d’une cruche d’eau et de nombreuses viandes. Sans mot dire, ils prennent un morceau par-ci, une bouchée par-là, pensent à Sidné, lui demandent sa protection. Chacun trempe son doigt dans la jarre, avale une gorgée, toujours en invoquant Sidné, et en murmurant son propre nom, le lieu et l’époque de sa naissance. Après quoi chacun offre à tout le monde quelque chose à manger, persuadé que plus il se montrera généreux, plus Sidné se montrera favorable[1]. »

Mais qui est donc Sidné ?

Sidné[2], la mère des Esquimaux et des hommes, est, en dernière analyse, la Terre, génitrice de tous animaux, bêtes et gens. Avant l’institution relativement moderne de la paternité, la maternité existait ; elle fut la première notion qui germa dans les cerveaux, au moins dans les espèces vivipares. De même que l’enfant se fait une poupée, de même notre espèce naissante se créa un monde fan-

  1. Hall.
  2. Nommée aussi Arnarkouagsak.