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les inoïts occidentaux.

d’excuse, ni parole de prière, va s’asseoir à côté de celui qui mange, met la main au plat. Les Européens, toujours défiants et prompts aux jugements sévères, ne pouvaient manquer de prendre pour vol et pillage ces mœurs de communistes. En effet, les innocents, dans leurs premières visites aux navires, faisaient comme chez eux, attrapaient ce qui leur plaisait, l’emportaient, pensant qu’il n’y avait que la peine de prendre. S’apercevant que les étrangers trouvaient cette conduite détestable, ils restituèrent ce qu’ils s’étaient indûment approprié, se mirent en frais pour rentrer en grâce.

« Ces Esquimaux, remarque Lubbock, ont moins de religion et plus de moralité qu’aucune autre race. »

Des missionnaires grecs — nous honorons leur sincérité — avouèrent que les Aléouts ne pouvaient que perdre au changement qu’on leur proposait, et que leur conversion au christianisme serait peu désirable[1]. L’exemple n’est pas tout à fait isolé ; d’honnêtes évangélistes danois en dirent autant des Nicobariens, et s’en retournèrent.

Chose singulière ! les Grecs et les Romains s’épanchaient en éloges sur les hommes par delà les vents du nord, « les Hyperboréens sans reproche », qui vivaient dans un bonheur parfait et la plus pure innocence. Par leur douceur et leurs mœurs pacifiques, les Esquimaux eussent pu inspirer la légende ; sauf que les hyperborei campi et les hyperboreæ oræ d’Horace et de Virgile étaient supposés se trouver sous « un ciel où le soleil ne se couchait pas », ce qui à la rigueur pourrait s’expliquer par le soleil de minuit. Mais nous ne supposons pas que cette

  1. Bastian, Rechtsverhaeltnisse, LXXIX.