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nourriture.

gne s’étendre sous une couverture de laine grise, qu’ils avaient si bien tachetée de terre, que des soldats envoyés à leur poursuite les prenaient pour des blocs de granit ; aussi habiles dans ces mystifications que les Bhils de l’Inde[1], ou que les sauvages de l’Australie.

Malgré toute leur adresse, comme ils sont sans agriculture sérieuse, ni animaux domestiques, le garde-manger de ces malheureux est souvent vide. Aussi ne dédaignent-ils rien de ce qui est mangeable : ils font leur profit des glands, fruits, bulbes, baies et racines, recueillent les mesquites, les courges et certaines fèves qui croissent spontanément. Ils sèment quelques grains de maïs, mais la presque totalité de leur nourriture est animale : daims, cerfs, mouflons, cailles, écureuils, rats, souris, vers et serpents. Nulle fausse délicatesse. On ne devient difficile sur la qualité que lorsque la quantité abonde ; il n’est de choix que dans le superflu. Quand la nourriture est à bouche que veux-tu, nos sauvages s’en gorgent, avalent des morceaux énormes. Mais en Apachie, la disette est l’état normal. Le trop court printemps est suivi d’un long et brûlant été ; bientôt les herbes sèchent, les herbivores meurent ou disparaissent, et les carnivores sont en peine. On supporte stoïquement la famine, mais après la famine prolongée, la mort !

Quand le pays ne peut nourrir l’habitant, il faut bien que l’habitant se pourvoie ailleurs. Le climat, le sol, transforment en nomades, chasseurs, brigands et voleurs, les Apaches sur le continent américain, les Bédouins et les Kourdes sur le continent asiatique, à peu près sous les mêmes latitudes. Montés sur des chevaux rapides, —

  1. Bastian, Culturvœlker Amerika’s.