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les kolariens du bengale.

nous la voyons arbitre des disputes, juge de paix, conseillère toujours écoutée en affaires privées et publiques, admise même aux conseils de la tribu avec voix consultative[1]. On la voit en communications incessantes avec les femmes des rajahs, traitant ensemble des intérêts publics. À leur tour les rajahs, quand ils voulaient gagner des alliances, enrôler des auxiliaires, dépêchaient des chargées d’affaires, prises dans leurs sérails, belles ambassadrices que les patriarches et les guerriers écoutaient avec complaisance. L’ennemi les eût trouvés intraitables, mais devant la beauté ils rendaient les armes.

C’est l’exogamie bien comprise qui donne à la Khonde sa haute position de conciliatrice. Son père et son beau-père se rencontreront sur un champ de bataille ; ses frères et ses beaux-frères échangeront peut-être des coups de hache ; mais elle sera toujours admise à panser les blessures de celui qui est frappé, à baiser les lèvres pâlissantes. Elle sera la première à suggérer la paix, la plus ardente à la recommander, la plus habile à la faire conclure.

Achetée à deniers comptants, troquée contre des objets mobiliers, cette femme devait être une esclave : c’est une maîtresse. On l’a vendue cher et bien cher, on prendra garde de ne pas la détériorer. À mesure que le rapt se transforma en achat, la question d’argent prédomina ; par suite, les convenances particulières du jeune homme furent subordonnées à celles des parents qui soldaient. Consultant leurs préférences, ils se donnaient une bru à leur dévotion, se procuraient ménagère entendue et forte au travail. Afin de se prémunir contre les déceptions, ils

  1. Rowney.