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infanticides féminins.

duisent plus que des mâles et importent les femmes nécessaires ; tout au plus laissent-ils vivre l’aînée, s’il y a projet d’alliance avec une haute maison étrangère. Parcourant tels et tels villages, Macpherson voyait de nombreux garçons, et de fillettes peu ou point ; il estimait qu’en moyenne on supprimait les deux tiers ou les trois quarts des naissances féminines.

Cependant la « voix du sang » parfois se faisait entendre. Les petites malheureuses n’étaient pas toujours immolées de parti pris ; volontiers, on leur laissait quelques chances de salut, sauf à rejeter sur les dieux la responsabilité des morts. Les prêtres ou djannis, les astrologues ou désauris, tiraient l’horoscope au moyen d’un livre : ils jetaient le poinçon avec lequel, pour écrire, ils égratignent les feuilles de palmier ; le passage touché décidait de la vie ou de la mort. — La mort ?… Les parents prenaient l’innocente, la bariolaient de raies rouges et noires, l’introduisaient dans un grand pot neuf qu’ils bouchaient et couvraient de fleurs, — notre esthétique enjolive jusqu’à l’assassinat, — portaient le tout dans la direction du vent désigné comme menaçant ; ils enfouissaient la marmite, saignaient un poulet par dessus, puis il n’était question de rien.

On l’a déjà remarqué plusieurs fois : l’infanticide féminin est plus répandu chez les nobles races que chez les pauvres et les misérables. Les Radjpoutes aussi, peuple aristocratique et guerrier, qui a plusieurs traits communs avec les Khonds, fatigués de se ruiner en cadeaux de noces à leurs sœurs ou à leurs filles, auxquelles ils envoyaient une dot magnifique, même quand on les leur avait enlevées[1], avaient imaginé de noyer les pauvres créatures dans

  1. Elliot, Races of the N. W. provinces of India.