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insatiable appétit.

que paraît le jour, la mère touche les lèvres de son enfant avec un peu de neige, puis avec un morceau de viande, comme pour dire : Mange, fils chéri, mange et bois !

Qu’on soit prié à leurs repas, il ne faut pas faire petite bouche, mais y aller bravement, à la façon des héros d’Homère ; car l’hôte se pique d’assouvir des faims herculéennes, semblables à la sienne ; l’honneur qu’on lui témoigne est en raison de l’appétit satisfait. Si l’invité est décidément incapable de dévorer tout ce qui lui est présenté, il est tenu, par politesse, d’emporter les reliefs.

Mangeurs puissants devant l’Éternel, ces Esquimaux. Virchow avance que leur crâne et toute leur anatomie sont déterminés par la mâchoire que détermine elle-même l’éternelle mastication[1].

« Trois saumons nous suffisaient pour dix ; chaque Esquimau en mangea deux… Chacun d’eux dévora 14 livres de saumon cru, simple collation pour jouir de notre société. En passant la main sur leur estomac, je constatai une prodigieuse dilatation. Je n’aurais jamais cru que créature humaine fût capable de la supporter[2]. »

Avec une avidité repoussante, on les voit absorber poissons avariés, oiseaux puant la charogne. Aussi peu dégoûtés que les Ygorrotes des Philippines, qui versent comme sauce à leur viande crue le jus des fientes d’un buffle fraîchement abattu[3], ils ne reculent pas devant les intestins de l’ours, pas même devant ses excréments, et se jettent avec avidité sur la nourriture mal digérée qu’ils retirent du ventre des rennes. Bien que le lichen soit tendre comme

  1. Verhandlungen der Berliner Gesellschaft für Anthropologie, 1877.
  2. Ross, Deuxième Voyage, 1829-1833.
  3. Don Sinibaldo de Mas.