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lactation prolongée.

Les nourrices, émules des kangouroutes, portent le nourrisson dans leur capuche, ou dans une de leurs bottes, jusqu’à la septième année, les allaitant toute cette période. Elles ne le sèvrent jamais ; aussi leurs mamelles s’allongent jusqu’à devenir hideuses. On a vu de grands garçons, flandrins de quinze ans, ne pas se gêner pour têter leur mère, au retour de la chasse, en attendant que le souper fût prêt. Dans cette lactation prolongée, il y a le désir et le moyen d’assurer à l’enfant quelque nourriture au milieu des disettes réitérées, il y a aussi un signe de tendresse et d’affection. Ainsi nous lisons dans les légendes tatares :

« Le héros Kosy enfourcha le cheval Bourchoun et fit sa prière. Sa mère pleurait : Arrive à bon port ! Et découvrant ses seins : Bois-y encore, et de ta mère il te souviendra[1]. »

Il est des Esquimaudes qui vont plus loin dans leurs démonstrations affectueuses, et qui, poussant la complaisance aussi loin que maman chatte et maman ourse, lèchent le poupard pour le nettoyer, le pourlèchent de haut en bas ; tendresse bestiale qui nous froisse dans notre vanité d’espèce supérieure. Elles ne verraient pas la moindre ironie dans « l’enfantine » qu’on chante à Cologne, versiculets qu’un littérateur de l’école naturaliste traduirait sans embarras :

Wer soll’ de Windle wasche, Der muss den Dreck wegfrasse[2] !

  1. Radloff, Volkslitteratur der Türkischen Staemme Süd Siberiens, II, 281, et IV, 344.
  2. Panzer, Sammlung, etc.