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les inoïts occidentaux.

La réverbération du soleil sur la neige et les vagues éblouit les yeux et les aveugle : on les protège au moyen d’énormes lunettes, d’aspect fantastique, ou par un casque de cuir ou de bois à large visière, rappelant celle dont le brave Daumier gratifiait les académiciens et autres membres de l’Institut. Les indigènes fabriquent l’objet avec du bois qui leur arrive des eaux chinoises et japonaises, amolli par une longue flottaison : ils donnent la courbure voulue, puis font sécher. Ce casque affecte plusieurs formes, diverses couleurs ; le plus souvent, il est bariolé blanc et bleu clair, ou bien ocre et rouge ; des sculptures ivorines ornent le cimier, l’arrière est garni d’un plumet, le devant hérissé de poils d’ours, de barbes et moustaches, prises à des phoques et à des otaries, dont le mufle a été reproduit avec une fidélité naïve qui charme les connaisseurs[1]. Déjà Cook avait remarqué le goût et le fini de ces ouvrages ; la plupart des visiteurs rendent le même témoignage et vantent le bien rendu des dessins. Un métis, Krioukof, peignait à la détrempe des portraits d’une ressemblance frappante, et Chamisso détermina neuf espèces de dauphins et baleines sur les images qu’avaient faites les indigènes. Doués à un degré supérieur du talent d’imitation, ils ont appris des Russes, rien qu’en les regardant faire, presque tous les métiers manuels. Ce sont des joueurs d’échecs passionnés. Ils se rendent maîtres de la lecture et de l’écriture presque en se jouant. Les enfants paraissent aptes à saisir les mathématiques élémentaires, et, ce qui charmait l’excellent Venjaminof, ils semblaient comprendre les dogmes de la religion chrétienne.

  1. Sauer, Von Kittlitz.