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le sigisbé.

Du reste, ces Hyperboréens ne trouvent rien de choquant à ce qu’une Aléoute déclare qu’un seul mari ne pourrait la contenter. Autrefois, la Florentine de bonne maison faisait, par clause au contrat nuptial, reconnaître son droit à prendre un amant en titre, quand il lui plairait. De même, les filles aléoutes jouissant, pendant leur damoiselat, d’une liberté dont elles usent largement, se réservent, aux épousailles, la faculté d’avoir un sigisbé. Leur « adjudant[1] », terme officiel, assiste le patron en tous ses droits et devoirs, servitudes actives et passives, est tenu de contribuer à l’entretien du ménage et à la nourriture des enfants. Des femmes si bien loties passent pour bien chanceuses, et jouissent d’une considération distinguée. La présence de l’adjoint est de rigueur pendant l’absence du mari, lequel à son retour patronne et protège le jeune homme, attend de lui la déférence que le cadet doit à son aîné… Le cadet et l’aîné, c’est bien cela. En effet, chez les Thlinkets, chez les Koloches, alliés de nos Aléouts, le cavalier servant doit être un frère, ou tout au moins un proche parent du patron[2]. Le Konyaga, surpris en adultère, est obligé de payer, à la mode anglaise, une indemnité au mari ; mais s’il est de sa famille, il lui faudra se tenir à ses ordres, et à ceux de l’épouse, avec laquelle l’union sera désormais légitime. Le susdit Thlinket venant à mourir, son cadet épouse la veuve, et le nouveau capitaine requiert pour ses menues besognes les bons offices du troisième frère[3].

Que vous en semble ? Ne tenons-nous pas ici la clef du sigisbéat, institution bizarre, dont on réprouvait l’immo-

  1. Bancroft, Venjaminof.
  2. Erman.
  3. Venjaminof.