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ix

En vain tonnaient d’horribles lois :
Verdun se revêtit de sa robe de fête,
Et, libre de ses fers, vint offrir sa conquête
Au Monarque vengeur des Rois.[1]

Alors, vierges, vos mains (ce fut là votre crime)
Des festons de la joie ornèrent les vainqueurs.
Ah ! pareilles à la victime,
La hache à vos regards se cachait sous des fleurs.
Ce n’est pas tout : quand, pour sauver la France,
Nos bannis, affrontant la mort et l’indigence,
Combattaient nos tyrans encor mal affermis,
Vous avez plaint de si nobles misères ;
Votre or a secouru ceux qui furent nos frères,
Et n’étaient pas nos ennemis.

Quoi ! ce trait glorieux, qui trahit leur belle ame,
Sera donc l’arrêt de leur mort !
Mais non : l’accusateur, que leur aspect enflamme,
Tressaille d’un honteux transport.
Il veut, vierges, au prix d’un affreux sacrifice,
En taisant vos bienfaits, vous ravir au supplice ;
Il croit vos chastes cœurs par la crainte abattus.
Du mépris qui le couvre acceptez le partage ;
Souillez-vous d’un forfait : l’infâme aréopage
Vous absoudra de vos vertus.

Répondez-moi, vierges timides :
Qui d’un si noble orgueil arma ces yeux si doux ?
Qui fit rouler dans vos regards humides
Les pleurs généreux du courroux ?
Je le vois à votre courage :
Quand le lâche oppresseur dont la voix vous outrage

  1. Verdun brûlait d’ouvrir ses portes au roi de Prusse. L’intrépide commandant résista durant trois jours aux instances des habitans et aux menaces de Frédéric-Guillaume. Forcé, enfin, de capituler, il se brûla la cervelle.