Aller au contenu

Page:Recueil de l'Académie des jeux floraux 1819.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
viij

D’assassins, juges à leur tour :
Le besoin du sang le tourmente ;
Et sa voix homicide à la hache fumante
Désigne les têtes du jour.[1]

Il parle : ses licteurs vers l’enceinte fatale
Traînent les malheureux que sa bouche signale ;
Les portes devant eux s’ouvrent avec fracas ;
Et trois vierges, de grâce et de pudeur parées,
De leurs compagnes entourées,
Paraissent parmi les soldats.
Le peuple, qui se tait, frémit de son silence ;
Il plaint son esclavage en plaignant leurs malheurs,
Et repose sur l’innocence
Ses regards las du crime et troublés par ses pleurs.

Eh quoi ! quand ces beautés lâchement accusées
Vers ces juges de mort s’avançaient dans les fers.
Ces murs n’ont pas, croulant sous leurs voûtes brisées,
Rendu les monstres aux enfers !
Que faisaient nos guerriers ?… Leur vaillance trompée
Prêtait au vil couteau l’appui de leur épée ;
Ils salivaient ces bourreaux qui souillaient leurs combats.
Hélas ! un même jour, jour d’opprobre et de gloire,
Voyait Moreau monter au char de la victoire,
Et son père au char du trépas.[2]

Quand nos chefs entourés des armes étrangères,
Couvrant nos cyprès de lauriers,
Vers Paris lentement reportaient leurs bannières,
Frédéric sur Verdun dirigeait ses guerriers.
Verdun, seul boulevart de la France opprimée,
D’un Roi libérateur crut saluer l’armée.

  1. Fouquier-Tainville, accusateur public, réunissait à cette horrible fonction celle non moins horrible de marquer les soixante ou quatre-vingt têtes qui devaient tomber chaque jour.
  2. Moreau enlevait à des ennemis supérieurs en nombre l’île de Cazand et le fort de l’Écluse le jour où son vieux père marchait à l’échafaud.