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ODE
Sur la mort de S. A. S. Louis-Joseph de
BOURBON, Prince de CONDÉ,
QUI A CONCOURU POUR LE PRIX ;
Par Mr Eugène HUGO.


Je lui ai dit : j’ai travaillé en vain, j’ai consumé inutilement et sans fruit toute ma force ; mais le Seigneur me fera justice, et j’attends de mon Dieu la récompense de mon travail.

Isaïe


Le cèdre, en vain battu des vents de la tempête,
Mais enfin ébranlé par les eaux d’un torrent,
Prête encor son ombrage au chasseur qui s’arrête.
Et qui l’admire en soupirant.
Bientôt il tombe ; il tombe, et la nuit dans l’orage
On entend gémir le feuillage
Des jeunes arbrisseaux qu’il a long-temps couverts,
Et l’aigle sans abri, planant dans les nuages,
Suit, en poussant des cris sauvages,
Son vieux tronc dépouillé qui roule vers les mers.

Je rêvais, l’œil fixé sur ma lyre héroïque,
Tristement appendue aux rameaux d’un cyprès ;
Soudain la corde prophétique
Frémit, en résonnant sur des tons de regrets.
Je me lève ; je vois dans nos murs en alarmes
Les peuples rassemblés, les magistrats en larmes,
Des guerriers d’un long crêpe entourant des drapeaux ;
Et loin, dans Saint-Denis, sous la voûte déserte,
La pâle mort veillant près d’une tombe ouverte,
Parmi les tombes des héros.