Page:Recueil de l'Académie des jeux floraux 1819.djvu/3

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Ont-ils donc prétendu, dans leur esprit superbe ;
Qu’un bronze inanimé dût les rendre immortels ?
Demain le temps peut-être aura caché sous l’herbe
Leurs imaginaires autels.
Le proscrit à son tour peut remplacer l’idole :
Des piédestaux du Capitole
Sylla détrône Marius.
Aux outrages du sort insensé qui s’oppose !
Le sage de l’affront dont frémit Théodose
Sourit avec Démétrius.

D’un héros toutefois lira âge auguste et chère
Hérite du respect qu’on eut pour ses vertus :
Trajan domine encor les champs que de Tibère
Couvrent les temples abattus.[1]
Souvent, dans les horreurs des discordes civiles,
Quand l’effroi planait sur les villes,
Aux cris des peuples révoltés,
Un héros, respirant dans le marbre immobile,
Arrêtait tout à coup par son regard tranquille
Les factieux épouvantés.

Eh quoi ! sont-ils donc loin ces jours de notre histoire
Où Paris sur son Prince osa lever son bras,
Où l’aspect de Henri, ses vertus, sa mémoire,
N’ont pu désarmer des ingrats ?[2]
Que dis-je ? Ils ont détruit sa statue adorée.
Hélas ! cette horde égarée
Mutilait l’airain renversé ;
Et cependant, des morts souillant le saint asile,
Leur sacrilége main demandait à l’argile
L’empreinte de son front glacé.[3]

  1. La colonne Trajane s’élève près de remplacement où furent le sacrum Tiberinum et la via Caprœensis (Antiq fie la ville de Rome).
  2. La statue de Henri IV fut renversée à l’époque du 10 août.
  3. On sait que ce fut dans le même temps (en 1792 et 1793), qu’après avoir violé les tombes royales, on posa un masque de plâtre sur le visage de Henri, pour mouler ses traits.