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Page:Recueil de l'Académie des jeux floraux 1819.djvu/4

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Voulaient-ils donc jouir d’un portrait plus fidèle
Du héros dont leur haine a payé les bienfaits ?
Voulaient-ils, réprouvant leur fureur criminelle,
Le rendre à nos yeux satisfaits ?
Non ; mais c’était trop peu de briser son image :
Ils venaient encor, dans leur rage,
Briser son cercueil outragé.
Tel, aux feux du soleil, rugissant d’un air sombre,
Le tigre, en se jouant, cherche à dévorer l’ombre[1]
Du cadavre qu’il a rongé.

Assis près de la Seine, en mes douleurs amères,
Je me disais : la Seine arrose encore Ivry,
Et les flots sont passés où, du temps de nos pères,
Se peignaient les traits de Henri.
Nous ne verrons jamais l’image vénérée
D’un Roi qu’a la France éplorée
Enleva sitôt le trépas.
Sans saluer Henri nous irons aux batailles,
Et l’étranger viendra chercher dans nos murailles
Un héros qu’il n’y verra pas.

Ou courez-vous ?[2] Quel bruit naît, s’élève et s’avance ?
Qui porte ces drapeaux, signe heureux de nos Rois ?
Dieu ! quelle masse au loin semble, en sa marche immense,
Broyer la terre sous son poids ?

  1. Suivant M. le Monnier, le tigre des déserts de Sahara, non content d’avoir dévoré ses victimes, s’acharne encore sur l’ombre de leurs squelettes. M. de Borda s’exprime, sur le même sujet, de la manière suivante : « j’ai vu des tigres d’Afrique, amenés à Damas, et enfermés dans l’immense arène de Magis-Patar, dévorer avec la plus révoltante férocité les bœufs et les hiènes qu’on leur donnait tous vivans, et, leur premier appétit satisfait, passer des journées entières à guetter l’ombre des carcasses décharnées de ces animaux. Il est probable que le mouvement de l’ombre présentait à ces tigres une apparence de vie dans ce qui n’avait pas même une apparence de corps ».
  2. Personne n’ignore l’enthousiasme avec lequel le peuple, le 13 août 1818, s’empara de la statue de Henri IV, et la traîna à force de bras au lieu où elle devait être élevée.