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CHAPITRE V
Le goût du passé
Emploi des archaïsmes

Parmi les expressions vieillies, dont on rencontre chez Michelet un nombre assez important, il convient de faire une distinction.

Le goût de la couleur locale dont nous avons parlé plus haut devait l’amener à puiser dans le vocabulaire des siècles passés.

La pratique des textes, des documents, établit une sorte de communion intime entre l’historien et les époques qu’il étudie. Tout pénétré du souvenir de ces époques, il parle instinctivement leur langage, le développement devient presque citation. C’est de cette manière qu’on pourrait expliquer l’emploi de bien des mots qu’on trouvera plus loin. Ce ne sont donc pas, à proprement parler, des archaïsmes, mais simplement des mots dont le choix a été surtout dicté par le désir de rester en conformité plus directe avec les époques dont il est question. Toutefois, pour la plupart, ces termes appartiennent moins à une langue technique véritable qu’aux façons de parler courantes et générales de l’époque en question.

Mais, d’autre part, on trouve chez Michelet des archaïsmes caractérisés, c’est-à-dire des mots qui, bien qu’appartenant à des façons de parler périmées, sont repris par l’écrivain au cours de son récit, lors même que ce récit ne prend plus la forme d’une reproduction ou d’une allusion au temps passé. Préférer un mot comme s’aheurter, ou débonnaireté, ou navré, dans des cas où les synonymes de la langue moderne seraient mieux à leur place, préférer les orthographes col ou fol, ou mol, là où aucune raison majeure n’en légitime l’emploi, dénote un souci d’archaïsme.

Ainsi le goût et l’accoutumance du vieux langage peuvent devenir assez obsédants pour l’imposer dans des passages où on l’attendait moins.