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Page:Regnard - Œuvres complètes, tome cinquième, 1820.djvu/102

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Messieurs, je parle pour Damoiselle Zorobabel de Roqueventrousse, demanderesse en séparation, contre Mathurin Blaise Sotinet, sous fermier, ci devant laquais, et défendeur. L’aspect de ce sénat cornu, pompe digne de l’Hymen ; cet attirail funeste et menaçant, tout cela, je l’avoue, m’inspire quelque terreur : mais, d’un autre côté, l’équité de ma cause me recreat et reficit ; puisque je parle ici pour quantité de femmes, qui vous disent par ma bouche qu’un mari est à présent un meuble fort inutile ; et que, quand il n’y en auroit point, le monde ne finiroit pas pour cela. Le mois de mars 87, Mathurin Blaise Sotinet, âgé de soixante dix ans, sentit un prurit pour la noce, une démangeaison pour le mariage ; cette vieille rosse, refaite et maquignonée, cette mèche sèche et ridée, prit feu aux étincelles des yeux de celle pour qui je parle. Il l’épousa, et il ne tint qu’à lui de voir qu’il avoit mis dans sa maison un trésor de sagesse et de prudence, puisqu’elle ne dépensa, en se mariant, que les vingt mille écus qu’elle avoit eus en mariage. Rare exemple de modération pour les femmes d’aujourd’hui, qui montent insolemment sur une grosse dot, pour insulter à l’économie de leurs maris.

BRAILLARDET, en riant

Ah, ah, ah ! L’économie de la Dame Sotinet ! J’avois oublié de vous dire, messieurs, que le mariage fut presque rompu, parceque le futur n’avoit envoyé qu’un carreau de cinq cents écus.