Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/47

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Qu’il ait paru rêveur, enjoué, gai, chagrin ;
Qu’il n’ait pas ri, pleuré, parlé, que sais-je enfin ?
Voilà la jalousie aussitôt en campagne.
D’une mouche on lui fait une grosse montagne :
C’est un traître, un ingrat ; c’est un monstre odieux,
Et digne du courroux de la terre et des cieux.
Il faut aller plus doux dans le siècle où nous sommes.
On doit, parfois,
passer quelque fredaine aux hommes.
Fermer souvent les yeux ; bien entendu, pourtant,
Que tout cela se fait à la charge d’autant.

ismène.

Pour un cœur délicat, qu’un tendre amour engage,
Un calme si tranquille est d’un pénible usage.
Toujours quelque soupçon renaît pour l’alarmer.
Ah ! Que tu connois mal ce que c’est que d’aimer !

cléanthis.

Oui ! Je me suis d’aimer parfois licenciée ;
J’ai fait pis ; dans Argos je me suis mariée.[1]

ismène.

Toi, mariée !

cléanthis.

Toi, mariée ! Oui, moi ; mais à mon grand regret.
Autant que je le puis, je tiens le cas secret.
Avant que les destins, touchés de ma misère,
Eussent fixé mon sort auprès de votre mère,

  1. Ce vers est conforme à l’édition originale, à celle de 1728, et à celle de 1750. Dans les éditions modernes, on lit :
    J’ai fais pis ; je me suis dans Argos mariée.