Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/17

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Apollon.

Votre mère a tort, ma belle enfant, de vous priver du plaisir le plus agréable et le plus innocent qu’il y ait aujourd’hui.

Thalie.

Assurément. Si j’étois mère, j’aimerois mieux que ma fille allât tout un hiver à la comédie, qu’une fois au bois de Boulogne pendant la sève du mois de mai.

La Petite Fille.

Oh ! Monsieur, je ne suis pas encore assez grande pour aller au bois de Boulogne ; je ne vais encore que sur le rempart.

Apollon.

La comédie forme l’esprit, élève le cœur, ennoblit les sentiments : c’est le miroir de la vie humaine, qui fait voir le vice dans toute son horreur, et représente la vertu avec tout son éclat. Le théâtre est l’école de la politesse, le rendez-vous des beaux esprits, le piédestal des gens de qualité. Une petite dose de comédie, prise à propos, rend l’esprit des dames plus enjoué, le cœur plus tendre, l’œil plus vif et les manières plus engageantes. C’est le lieu où le beau sexe brille avec le plus d’éclat.

La Petite Fille.

Oh ! Je prétends bien y briller comme une autre quand je serai grande.

Apollon.

Mais quelle raison votre mère a-t-elle pour ne pas vous mener aux Italiens ?