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thèses météorologiques. Depuis trop longtemps l’anthropomorphisme les a dépouillés de leurs attributs lumineux pour qu’on puisse reconnaître en eux, comme chez les devas védiques, la radieuse progéniture du soleil et de l’aurore.

Maintenant, comment concilier l’aspect rudimentaire des peintures védiques avec l’agencement déjà compliqué et régulier des rites religieux qui les encadrent, surtout si l’on se place au point de vue inauguré par les travaux de mon malheureux maître et ami, Bergaigne ? On sait que, d’après lui, toute l’ancienne optique du Rig-Véda est illusoire. Là où ses premiers exégètes européens s’accordaient à voir des effusions lyriques provoquées chez les Linus et les Orphées de l’Indo aryenne par le spectacle des grands phénomènes de la nature, il ne voulait retrouver qu’un recueil de formules religieuses ou de prières dans un style bizarre, à l’usage d’un culte déjà tout organisé, — une sorte de missel ou d’antiphonaire servant à des rites déterminés et dont l’ensemble constituait dès lors une religion.

En les résumant de cette façon, j’accuse peut-être le relief des idées de Bergaigne avec un peu plus de saillie qu’il ne l’a fait lui-même ; mais c’est généralement ainsi que ses vues ont été interprétées, et je me hâte de dire qu’il me semble difficile qu’elles n’entraînent pas l’adhésion de tous, du moins en ce qui concerne l’objet prochain des hymnes et leur emploi. Il est évident qu’ils étaient destinés au sacrifice, qu’ils ont été composés pour lui et qu’il n’y a rien de spontané dans le sentiment qui les a dictés, ni rien de vague dans le but que poursuivaient leurs auteurs.

Mais avant d’en venir à un examen plus intime de ce qu’on peut appeler la matière première des hymnes védiques, je voudrais protester contre la tendance qui s’est manifestée à la suite des travaux de Bergaigne, de les rajeunir d’autant plus qu’ils contiennent moins de lyrisme naturaliste. Pour ma part, je ne saurais voir là un indice de moindre antiquité ; bien au contraire. Je considère comme essentiellement complexe et, par conséquent, comme essentiellement moderne, l’enthousiasme poétique et religieux d’un Lamartine en présence des magnificences de l’aurore, de la gloire radieuse du soleil triomphant des vapeurs matinales,