Page:Regnaud - Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-européenne.djvu/13

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emploi dans la liturgie chrétienne, bien qu’évidemment ils n’aient pas été destinés par leurs auteurs à un semblable usage, je pense avec Bergaigne, je l’ai déjà dit et je le répète, que les hymnes du Rig-Véda ont été rédigés pour accompagner le sacrifice ou, plus précisément encore, en vue d’un emploi déterminé dans le rituel brahmanique. Mais la question est-elle là tout entière ? Il me semble que la véritable manière dont il convient de la poser au point de vue qui nous occupe est de demander, non pas la date relative des hymnes en tant que compositions littéraires et essentiellement artificielles, comme leur ordonnance métrique suffit à le prouver, mais celle de la matière, c’est-à-dire des idées, dont les hymnes sont faits.

Or, ainsi considérées, les choses prennent un aspect tout différent. La ressemblance du fond, en dépit de la diversité de la forme et de la certitude que le recueil des hymnes contient les œuvres de différents poètes et de différentes époques, montre avec évidence, selon moi, que ce fond provient de traditions communes, sinon à la race aryenne tout entière, du moins à la caste sacerdotale dont l’origine se confond sans doute avec les origines mêmes de la famille. On peut se le représenter comme une collection de formules anonymes, relatives aux rapports de l’homme avec les êtres supérieurs dont il croyait dépendre, qui allèrent flottant et s’accroissant dans l’imagination et la mémoire des prêtres (si on peut les appeler ainsi) de l’époque pastorale, à partir d’un temps antérieur à toute synthèse religieuse, jusqu’à celui où les diasceuastes ou les rishis les réunirent et les arrangèrent. Bien des circonstances ne sauraient s’expliquer sans une hypothèse de ce genre. Si le contenu des hymnes était aussi personnel que leur forme, s’il s’agissait de conceptions propres à leurs auteurs, créées par eux de toutes pièces, comment rendre compte des analogies si nombreuses qui existent entre la mythologie des Védas et celle, soit de l’Avesta, soit d’Homère et d’Hésiode ?

Ce procédé de formation des hymnes donne également la clé de l’incohérence fréquente, et qui scandalise si fort certains indianistes, que l’on constate entre les différents versets d’un même