préter d’une manière sûre et complète. Il me reste à examiner sommairement la nature même de cette mythologie ; c’est-à-dire à voir d’où elle tire sa source et comment se sont effectués ses premiers développements.
Tout d’abord je donnerai les raisons qui m’empêchent de m’en tenir à la formule célèbre de M. Max Müller : la mythologie est le résultat d’une maladie du langage. Que faut-il entendre par là ? Un exemple trivial, mais bien topique, nous le fera voir. Certaines personnes peu instruites appellent le produit pharmaceutique connu sous le nom d’huile de ricin, huile d’Henri cinq ; d’où l’idée fausse que cette huile a été inventée ou particulièrement employée par le personnage historique dont il s’agit. Dans ce cas, l’homonymie approximative des mots ricin et Henri cinq, jointe à l’ignorance du sens du premier de ces mots chez ceux qui lui substituent le second, a eu pour conséquence de greffer une erreur de fait sur une erreur verbale. De même, la mythologie dans son ensemble serait un réseau très complexe d’erreurs analogues, entrecroisées de cent façons, solidaires entre elles et ayant toutes pour point de départ la substitution inconsciente d’un mot à un autre mot, et par suite d’une idée à une autre idée.
Je ne m’attacherai pas à montrer tout ce que cette hypothèse a d’inconciliable avec la plupart des faits, tout ce qu’elle laisse d’inexpliqué dans l’histoire des mythes, tout ce qu’elle suppose de distance entre le sentiment religieux et l’enveloppe qu’il revêt. Il me suffira de constater que les exemples de confusions du genre de celles sur lesquelles on appuie la théorie appartiennent, tous ou à peu près, aux temps modernes ou au moyen âge, et qu’on n’en cite pour ainsi dire point qui se rapporte à l’antiquité et particulièrement aux époques où la mythologie était dans toute sa vigueur. Mais une objection qui ne paraît surtout décisive est celle-ci : aux temps que j’appellerai essentiellement mythologiques et qui correspondent à un état très rudimentaire de la civilisation, le langage était, selon toute vraisemblance, parfaitement adéquat aux connaissances générales des hommes qui s’en servaient, ce qui exclut la possibilité des ignorances et des