Page:Regnaud - Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-européenne.djvu/22

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erreurs sur lesquelles nous raisonnons. Si dans les milieux où est née la fausse expression « huile d’Henri cinq », la valeur du mot ricin n’avait pas été entièrement ignorée et la personne de Henri cinq insuffisamment connue, jamais l’erreur qu’elle comporte n’aurait pu éclore ni surtout se propager. Les conditions dans lesquelles les erreurs semblables peuvent se produire expliquent l’absence de faits analogues dans la haute antiquité et leur apparition de plus en plus fréquente à mesure que, dans la suite des temps, une civilisation supérieure et une langue littéraire se sont superposées davantage aux mœurs et au parler populaires. Bref, si le coq-à-l’âne vulgaire résultant de l’usage de termes mal compris a pu, dans quelques circonstances, et à de basses époques, amorcer certaines légendes assez semblables à celles dont l’ancienne mythologie est composée, on ne saurait aucunement lui attribuer l’état d’esprit général auquel se rattache le développement primitif des mythes.

Il n’en est pas moins vrai que les relations de la mythologie et du langage sont des plus étroites. Je suis tout à fait d’accord avec M. Max Müller sur la nécessité absolue d’étudier l’une par l’autre. C’est sur la manière dont je comprends ces rapports qu’il me reste à m’expliquer.

Le mythe même en tant que personnification par le sujet pensant d’un objet dont il suppose instinctivement l’automatisme intellectuel et physique est, disons-le tout de suite, un phénomène psychologique indépendant du langage. Du moins tout indique que le soleil, par exemple, — l’objet visible entre tous et aux effets particulièrement puissants et sensibles, — fut considéré, par suite de l’analogie qu’on crut constater entre lui et des objets plus voisins doués manifestement d’une vie propre, comme pourvu d’une énergie, d’une volonté et d’une activité qui lui étaient inhérentes. Il n’y avait qu’un pas à faire pour passer de là à l’idée d’un être plus ou moins anthropomorphe et exerçant sur l’univers la puissance immense qu’il semblait posséder. Là se trouvent ce que j’appellerai les origines psychologiques du mythe, lequel ne consiste jusqu’alors que dans l’attribution à un objet de qualités occultes qui accompagnent généralement,