Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/146

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les caisses qui se trouvaient au-dessus de moi ; cela devait demander beaucoup de travail, et jusque-là je souffrirais énormément, car le besoin de boire devenait de plus en plus impérieux.

Ce n’est qu’après avoir crié de ma voix la plus aiguë, frappé sur les planches à coups redoublés, répété mes cris et mes coups mainte et mainte fois, sans recevoir de réponse, que je compris ma situation. Elle m’apparut dans toute son horreur : pas moyen de remonter sur le pont, aucun espoir d’être secouru ; j’étais enseveli tout vivant sous les marchandises qui remplissaient la cale.

Je criai de nouveau, j’y employai toutes mes forces, et ne m’arrêtai qu’au moment où ma gorge ne rendit plus aucun son. J’avais prêté l’oreille à différents intervalles, espérant toujours une réponse ; mes cris éveillaient tous les échos de ma tombe ; mais pas une voix ne répondait à la mienne.

J’avais entendu chanter les matelots pendant qu’ils levaient l’ancre ; mais à présent tout était silencieux ; le navire était immobile, les vagues restaient muettes, et si, dans un calme pareil, les grosses voix de l’équipage n’arrivaient pas jusqu’à moi, comment pouvais-je espérer que mes cris d’enfant parvinssent aux oreilles de ceux qui ne m’écoutaient pas ?

C’était impossible ; on ne pouvait pas m’entendre,