Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/161

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vint pas. Je n’étais point encore affamé, et la crainte de mourir de soif était jusqu’alors ma seule préoccupation. Plus tard, je devais, hélas ! éprouver les mêmes terreurs au sujet du manque de nourriture ; mais n’anticipons pas.

Je choisis, sur le côté de la barrique, un endroit où la douelle paraissait être endommagée. Précisément cela se trouvait un peu au-dessous de la moitié de la futaille, et c’était une condition qui me semblait indispensable. La barrique pouvait n’être qu’à moitié pleine, et il fallait absolument la mettre en perce au-dessous du niveau de l’eau, sans quoi j’aurais travaillé en pure perte.

Me voilà donc à l’ouvrage ; malgré mon impatience, j’étais satisfait de la rapidité de ma besogne. Mon couteau se comportait à merveille, et si épais que fût le chêne de la futaille, il avait affaire à de l’acier plus dur que lui. Peu à peu les esquilles de bois se détachèrent, et ma bonne lame s’enfonça dans la douelle.

J’avais fini par si bien me familiariser avec les ténèbres, que je ne ressentais plus cette impuissance dont chacun est frappé en tombant dans une nuit profonde. Mes doigts avaient acquis une délicatesse de toucher singulière, ainsi qu’on le remarque chez les aveugles. Je travaillais avec autant de facilité que si j’avais été en plein jour, et je ne pensais même pas à la lumière qui me manquait.