Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/162

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Sans aucun doute, un charpentier, avec son ciseau à mortaise, ou un tonnelier, avec son vilebrequin, aurait été plus vite que moi ; mais j’avais la certitude que j’avançais dans mon œuvre, et je n’en demandais pas davantage.

La crainte de briser mon couteau, crainte que j’avais toujours présente à l’esprit, m’empêchait de me hâter ; je me souvenais du proverbe : « Plus on se presse, moins on arrive, » et je maniais mon outil avec un redoublement de prudence.

Il y avait une heure que je travaillais, quand j’approchai de la surface intérieure de la douelle ; je le voyais à la profondeur de l’excavation que j’avais faite.

Ma main trembla, mon cœur battit avec violence, ce fut un moment d’incroyable émotion, une inquiétude affreuse s’emparait de mon esprit : était-ce bien de l’eau que j’allais trouver ? Ce doute m’était déjà venu plusieurs fois, mais jamais avec cette vivacité.

Oh ! mon Dieu ! si, au lieu d’eau, cette futaille contenait de rhum ou de l’eau-de-vie, seulement du vin ! Je savais que pas un de ces liquides n’éteindrait ma soif ; peut-être la calmeraient-ils un instant, mais elle reviendrait ensuite plus dévorante que jamais ; et, perdant mon seul espoir, je mourrais, tué par l’ivresse, comme tant d’autres malheureux.

Le fluide perlait déjà entre la douelle et mon