Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/171

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été favorable ? Pourquoi me laisserait-elle mourir de faim, après m’avoir sauvé de la soif ? Je ne voyais pas comment elle me délivrerait ; mais la première chose était de vivre, et, je le répète, j’avais le pressentiment que j’échapperais à la faim.

Je mangeai la moitié d’un biscuit, j’avalai un peu d’eau, car la soif était revenue ; puis ayant rebouché la futaille, je m’assis à côté d’elle. Je ne songeais pas à faire d’efforts ; à quoi bon ? Tout mon espoir reposait sur le hasard, ou plutôt sur la bonté divine, et j’attendis qu’elle voulût bien se manifester.

Néanmoins le silence et les ténèbres avaient quelque chose de si affreux que le murmure intérieur dans lequel résidait ma force devint de plus en plus faible, et fut bientôt étouffé par le découragement. Il y avait à peu près douze heures que j’avais mangé ma première part de biscuit ; j’essayai d’attendre plus longtemps, ce fut impossible. Je dévorai le second morceau ; bien loin de me rassasier, il m’affama davantage, et la quantité d’eau que je bus remplit mon estomac sans satisfaire mon appétit.

Six heures après, la troisième portion avait disparu, et ma faim croissait toujours ; à peine attendis-je vingt minutes pour finir mon biscuit. C’était ma dernière bouchée ; j’avais résolu de la faire durer jusqu’au quatrième jour ; le premier n’était pas passé qu’il ne me restait plus rien. Que devenir ? Je pensai à mes chaussures j’avais lu quelque part que