Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/183

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d’eau imperceptible pour emplir une citerne, lorsque cette eau coule sans cesse. Le contraire n’est pas moins vrai : la citerne se vide par une perte continue, quelque légère que soit cette déperdition constante. Et six mois, c’est bien long ! cela fait presque deux cents jours.

Plus j’y pensais, plus je sentais s’ébranler ma confiance. Pourquoi ne pas mettre un terme à mon incertitude ? me dis-je : mieux vaut savoir à quoi s’en tenir. Si j’ai assez, plus de tourment ; si, au contraire, je suis menacé de la disette, je prendrai la seule mesure que la prudence indique, et me rationnerai dès aujourd’hui pour ne pas être pris plus tard au dépourvu.

Quand je me rappelle le passé, je suis surpris de la raison que j’avais alors pour mon âge. On ne sait pas jusqu’où peut arriver la prévoyance d’un enfant, lorsqu’il est en face d’un péril qui éveille l’instinct de conservation, et qui fait appel à toutes ses facultés.

Je pris six mois pour base de mes calculs, c’est-à-dire une période de cent quatre-vingt-trois jours ; je ne fis pas même abstraction du temps qui s’était écoulé (à peu près une semaine) depuis que le navire était sorti du port. Cela devait suffire, et au delà, pour que le vaisseau fût arrivé au Pérou ; mais en étais-je bien sûr ?

On compte six mois pour faire la route que nous