Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/210

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Après avoir remis les biscuits à leur place, j’étendis sur le plancher plusieurs doubles de cette étoffe, aussi épaisse que douce, et me reposai avec bonheur sur cette couche élastique.

Mais je n’en étais pas moins malheureux de la privation de lumière. Il est impossible d’exprimer combien on souffre au milieu d’une obscurité absolue ; et je comprenais pourquoi on avait toujours considéré la mise au cachot comme la peine la plus grave qu’on pût infliger aux captifs. Il n’est pas étonnant que ces infortunés aient blanchi, et perdu l’usage de leurs sens, au fond des caves où ils étaient détenus ; car au supplice que vous font endurer les ténèbres, on reconnaît que la lumière est indispensable à la vie.

Il me semblait que si j’avais pu avoir une lampe, quelque faible qu’eût été sa clarté, les heures m’auraient paru moitié moins longues. Cette nuit perpétuelle me faisait l’effet de s’enrouler autour des rouages de ma montre, d’en arrêter la marche, et de suspendre le cours du temps. Cette obscurité, où la forme des objets avait disparu, me causait un mal physique, une souffrance que la lumière eût guéri tout à coup. J’éprouvais ce que ressentent les malades pendant ces nuits fièvreuses, où ils comptent péniblement les heures, en soupirant après l’aurore.