Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/275

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l’eut traversé, dans toute son épaisseur, je sentis quelque chose de moelleux qui fuyait devant l’acier, et dont la souplesse indiquait la nature. C’était perdre son temps que d’aller plus loin ; mais j’obéissais malgré moi au besoin d’acquérir une preuve matérielle de ce que mon esprit ne révoquait pas en doute, et je poursuivis ma tâche sous l’influence d’une curiosité pour ainsi dire physique.

Le résultat fut celui que j’attendais : c’était bien du lainage qui se trouvait dans la caisse.

Mon couteau m’échappa ; et vaincu par la fatigue, accablé par le chagrin, je tombai à la renverse, dans un état d’insensibilité presque absolue.

Cette léthargie se prolongea quelque temps ; je ne sais pas au juste quelle en fut la durée ; mais j’en fus tiré tout à coup par une douleur subite, pareille à celle que m’aurait causée une aiguille rougie, ou le tranchant d’un canif qui se serait enfoncé dans l’un de mes doigts.

Je me levai en secouant brusquement la main, persuadé que j’avais saisi mon couteau par la lame, car je me rappelai qu’il était resté ouvert en tombant.

Mais quand je fus réveillé tout à fait, je compris que ce n’était pas le tranchant de l’acier qui m’avait causé cette douleur ; à la sensation toute particulière qui accompagnait ma blessure, je reconnaissais qu’un rat m’avait mordu.