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Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/292

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J’y réfléchis quelque temps, et le mystère se dévoila : ce n’était pas l’eau-de-vie elle-même qui m’avait enivré, c’en était l’émanation.

Avant de me mettre à la besogne, je me rappelais avoir non-seulement beaucoup éternué, mais senti quelque chose d’inexprimable, un revirement subit dans toutes mes pensées, une transformation de tout mon être, qui fut bien autrement sensible quand j’entrai dans la futaille.

Je crus d’abord que j’allais suffoquer ; puis je m’y accoutumai graduellement, et cette sensation nouvelle me parut agréable. Je ne m’étonnais plus d’avoir été si fort et si joyeux.

En me rappelant tous les détails de ce singulier épisode, je compris le service que la soif m’avait rendu, et je me félicitai de lui avoir obéi. Ainsi que je l’ai dit plus haut, je ne savais pas si je m’étais désaltéré ; je n’avais aucun souvenir de m’être approché de ma fontaine, surtout d’y avoir puisé. Je ne crois pas avoir été jusque-là ; si j’avais ôté le fausset, il est probable que je n’aurais pas su le remettre, et la futaille se serait vidée, tout au moins jusqu’au niveau de l’ouverture, ce qui, grâces à Dieu, n’était pas arrivé. Je n’avais donc point à regretter d’avoir eu soif ; bien au contraire, sans cela je serais resté dans la pipe d’eau-de-vie ; mon ivresse eût été d’autant plus grande ; et selon toute probabilité, la mort en aurait été la conséquence.