Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/38

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et du merle, et le coucou, volant sans cesse d’un buisson à l’autre, faisait retentir les champs de son cri d’appel, fréquemment répété. Un doux parfum d’amande s’échappait de l’aubépine, et la brise était juste assez forte pour l’entraîner dans l’air. Avec ses haies fleuries, ses champs de blé verdoyants, ses prés émaillés d’orchis et de boutons d’or, ses nids d’oiseaux, ses bruits joyeux, la campagne aurait été bien attrayante pour la plupart des petits garçons de mon âge ; mais la plaine liquide, où le ciel bleu se réfléchissait comme dans un vaste miroir, et dont le soleil faisait étinceler la surface était pour moi bien autrement séduisante ; ses vagues me paraissaient plus belles que les sillons où la brise courbait la pointe des blés, son murmure charmait plus mon oreille que les chants de la grive ou de l’alouette, et je préférais son odeur particulière au parfum des violettes et des roses.

C’est pourquoi lorsque, ayant quitté ma chambre, je jetai les yeux sur cette mer étincelante, je n’aspirai plus qu’à me poser sur ses ondes et à voguer sur ses flots. Pour satisfaire ce désir, dont je ne saurais vous exprimer la force, je n’attendis pas même que l’on eût déjeuné ; je pris en cachette un morceau de pain, et je sortis en toute hâte pour me diriger vers la grève.

J’eus cependant assez d’empire sur moi-même pour ne quitter la ferme qu’à la dérobée ; j’avais pour