Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/72

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Mes yeux étaient attachés sur la mer, et je regardais machinalement les vagues. De temps à autre la conscience se réveillait à demi, je tournais la tête, je cherchais à découvrir quelque voile se dirigeant de mon côté ; mais rien n’interrompait la monotonie des flots, si ce n’est parfois un goëland qui revenait planer autour du récif, comme s’il avait été surpris de me voir à pareille place, et qu’il se fût demandé si je n’allais pas bientôt partir.

Tout à coup mes yeux rencontrèrent le poteau dont l’examen avait causé ma stupeur, et cette fois en le voyant j’eus un rayon d’espoir. Je pouvais encore me sauver en grimpant à son sommet, et en m’installant sur la futaille jusqu’à la marée descendante. La mer n’arrivait pas à la moitié de ce poteau, et je n’aurais plus rien à craindre dès que je serais perché sur la barrique.

Toute la question était d’y arriver ; la chose me paraissait facile. Je grimpais bien à un arbre, pourquoi n’aurais-je pas escaladé le support de mon tonneau ? Je passerais sur ma futaille une assez mauvaise nuit ; mais je serais à l’abri de tout péril, et le lendemain matin, je me trouverais encore de ce monde, où je rirais de ma frayeur.

Ranimé par cette espérance, je m’approchai du poteau avec l’intention d’y grimper ; ce n’est pas que je voulusse m’établir à mon poste ; il serait bien temps de le faire quand l’îlot serait inondé ; mais