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LE CHEVAL SAUVAGE.

étaient si près de l’eau que leurs formes s’y réfléchissaient, et leur attitude démontrait qu’après une course rapide, elles venaient de faire halte. Leur nombre répondait, je le répète, à celui des animaux que j’avais vus déjà dans la prairie, et j’étais convaincu que c’étaient bien les mêmes. En effet, la vitesse de ces charmantes créatures égale celle de l’hirondelle.

La vue de ces antilopes ne fit qu’aiguillonner ma faim. Aussi toutes mes pensées se concentrèrent-elles sur les moyens de m’en approcher. La curiosité les avait évidemment attirées vers le lac. Elles avaient dû apercevoir de loin ma jument et son cavalier, et elles étaient sans doute accourues au galop pour faire une reconnaissance ; mais elles semblaient encore très craintives, très circonspectes et peu disposées à venir plus près de nous.

Le gouffre me séparait d’elles. Si je pouvais réussir à les attirer jusque-là, elles seraient infailliblement à la portée de mon fusil. J’attachai mon cheval, et j’employai tous les artifices de séduction que je pus imaginer. Je me couchai dans l’herbe sur le dos, les jambes en l’air, mais mon extravagance fut infructueuse : les antilopes s’obstinaient à ne plus s’éloigner du bord de l’eau.

Alors je m’avisai que ma couverture avait une couleur très vive, et je conçus un plan qui, adroitement exécuté, manque rarement de réussir. Je pris la couverture, je la liai par un bord à la baguette de mon fusil, après avoir passé celle-ci dans l’anneau supérieur de l’arme, et je retins la baguette en place avec le pouce de la main gauche. Ensuite, je m’agenouillai, j’épaulai mon fusil, de telle sorte que la couverture voyante étalée dans toute sa longueur tombât à terre et formât une espèce de paravent derrière lequel je pouvais me dissimuler complétement. Avant d’avoir eu cette idée, j’avais rampé jusqu’au bord du gouffre,