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LE CHEVAL SAUVAGE.

branches des cèdres nains enracinés dans la roche. Je remarquai aussi, non sans étonnement, que le sentier que je gravissais avait déjà été mis à profit par l’homme ou l’animal, car la terre répandue sur les saillies du rocher avait été manifestement foulée et fouillée. Cependant, je n’accordai qu’un instant de réflexion à cette circonstance ; j’étais si affamé que tout mon esprit était obsédé par une pensée unique : celle de faire un repas.

À la fin, j’atteignis le haut du rocher et, m’aidant des deux mains et des genoux, je me hissai sur la prairie. Deux minutes après, j’étais penché sur l’antilope que je dépeçai avec mon couteau. Tout autre que moi aurait peut-être pris le temps de ramasser du bois et de faire du feu selon la méthode primitive. Mais je ne raisonnai pas : j’avais mon déjeuner sous la main. Je le mangeai cru, et si vous aviez été à ma place, cher auditeur, vous auriez fait de même, quand vous eussiez été le plus délicat des gastronomes.

Après avoir apaisé les premiers besoins de la faim en dévorant à belles dents la langue saignante et une couple de côtelettes de l’antilope, je commençai à me montrer un peu plus difficile, et je me dis que la chair de l’animal serait bien plus succulente en la faisant rôtir. Je retournai donc au gouffre pour aller chercher quelques branches de cèdre. Mais, à peine eus-je fait trois pas que je m’arrêtai, les yeux hagards, frissonnant et oubliant d’un seul coup mon rôti, tant mon cœur était serré d’effroi. Devant moi se dressait un animal monstrueux, un de ces ours gris qui sont les plus terribles de tous les habitants de la prairie.