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LE CHEVAL SAUVAGE.

À la fin, les cavaliers, obéissant à un signal de leur chef, fondirent sur nous au galop. Lorsqu’ils ne furent plus qu’à trois cents pas, ils firent halte de nouveau et nous crièrent :

— Que craignez-vous ? Nous sommes des amis.

— Au diable des amis de cet acabit, répondit Ruben. Vous nous prenez donc pour des imbéciles ? Tenez-vous à distance ou, sur mon âme, le premier qui se trouvera à ma portée, sera un homme mort.

Les cavaliers renoncèrent alors à toute dissimulation, l’un d’eux se détacha du groupe, lança d’un coup d’éperon son cheval au galop et décrivit autour de nous un grand arc de cercle. Lorsqu’il se fut éloigné d’une vingtaine de pas de ses compagnons, il fut suivi d’un second qui répéta la manœuvre, puis d’un troisième, d’un quatrième, d’un cinquième, qui tournoyèrent l’un derrière l’autre autour de nous. Aussitôt nous changeâmes notre plan de défense en nous postant dos à dos, de telle sorte que chacun de nous couvrait de son arme un tiers du cercle. Les cinq cavaliers firent deux fois au galop le tour de notre carré, en se rapprochant sans cesse de nous, pendant qu’ils déchargeaient leurs mousquets. Ils s’éloignaient ensuite en continuant le même mouvement, rejoignaient le gros de leur troupe, échangeaient leurs armes contre d’autres toutes chargées et revenaient, toujours en galopant, nous assaillir. En même temps, ils se courbaient si habilement sur leurs montures qu’ils nous dérobaient presque tout leur corps et nous enlevaient ainsi toute occasion de tirer sur eux. Nous aurions pu, il est vrai, tuer leurs chevaux, mais c’eût été dépenser sans grande utilité notre poudre et nos balles, car nous ne pouvions songer à recharger nos armes. À la première fusillade, toutes les balles avaient passé par-dessus nos têtes et la cavale de Ruben avait reçu une blessure insignifiante. Mais la seconde décharge