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LE CHEVAL SAUVAGE.

dessous de nous, essayant autant que possible de percer les ténèbres. Nous écoutâmes, l’oreille tendue, le cœur affreusement serré. Pas un bruit ne se fit entendre. Oui, nous eussions été heureux de percevoir une plainte, un gémissement, qui nous eût annoncé que Ruben vivait encore ; mais tout était silencieux ; peut-être gisait-il horriblement mutilé au pied de la colline.

À la fin, nous entendîmes des voix d’hommes. Elles venaient bien de la base du rocher, juste au-dessous de nous ; mais au lieu d’une voix il y en avait deux, et ni l’une ni l’autre n’était celle de notre ami. À la clarté d’un sillon lumineux qui courut à ce montent dans le ciel, nous reconnûmes deux cavaliers qui se mouvaient le long du rocher. Nous les vîmes très distinctement ; mais, contrairement à notre attente, nous n’aperçûmes pas le corps de notre compagnon. L’embrasement du firmament fut d’assez longue durée pour nous donner parfaitement le temps de voir tout ce qui se passait au-dessous de nous. Ruben n’était pas là. Etait-il tombé au pouvoir de l’ennemi ? Il ne se serait pas rendu sans résistance et nous aurions entendu ou une détonation ou un cri.

Cependant les deux cavaliers causaient à voix haute, et, dans le silence de la nuit, leurs paroles montaient jusqu’à nous assez distinctement pour nous laisser comprendre ce qu’ils disaient.

— Tu t’es trompé, criait l’un avec impatience, tu n’auras entendu que l’aboiement d’un loup.

— Je vous répète, capitaine, répliqua l’autre avec humeur, que c’était une voix d’homme.

— Alors il faut que ce soit l’un des nôtres qui ait crié de l’autre côté du rocher, car de ce côté-ci il n’y a personne. Retournons au camp.

Les pas des chevaux nous apprirent qu’ils s’éloignaient ; ce fut pour nous un grand soulagement de