Page:Reid - Le Cheval sauvage, 1888.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
LE CHEVAL SAUVAGE.

savoir que notre camarade n’avait pas été fait prisonnier.

Mais qu’était-il devenu ? Par où était-il passé ? Avait-il rampé plus loin après sa chute, ou se trouvait-il toujours à proximité de la colline ?

Comme il nous importait de suivre les mouvements des deux cavaliers, nous tendîmes avidement l’oreille, épiant l’occasion de les apercevoir. Nous nous étions de nouveau agenouillés et suspendus au-dessus du vide. Un éclair nous les montra : ils étaient arrêtés pour interroger les alentours, et attendaient comme nous une traînée lumineuse.

— Nous pouvons les désarçonner, chuchota Garey.

J’hésitai à me ranger à cet avis, sans pouvoir me rendre compte de mes scrupules.

Tout à coup un éclair sillonna la nue. Les cavaliers étaient à portée de nos fusils. Nous les couchâmes en joue. Sans dire un mot, j’avais suivi l’opinion de Garey.

À ce moment, quand déjà nous avions le doigt sur la gâchette, nous relevâmes tous deux comme d’un commun accord notre arme. C’est que nous avions tous deux en même temps aperçu le même objet dans la prairie, et que cet objet n’était autre que notre ami Ruben.

Il était couché dans l’herbe de tout son long, les bras et les jambes étendus, le visage collé contre terre. De la hauteur où nous étions, nous eussions pu le prendre pour la peau d’un jeune buffle ainsi étalée pour la faire sécher, mais nous ne nous trompions pas : c’était bien le vieux trappeur dans son costume de peau de daim. L’endroit où il se trouvait n’était guère à plus de cinq cents pas du rocher ; mais quoiqu’il nous fût très facile de le voir, il devait échapper complètement aux regards des deux cavaliers, car nous les entendîmes, à notre grande joie, dès que la nuit se fut replongée dans l’obscurité, regagner leur camp. À