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LE CHEVAL SAUVAGE.

sant des cris sauvages, ils déchargèrent sur nous leurs mousquets. Nous eûmes un moment quelque peine à comprendre ce qui avait pu nous trahir, mais un regard d’inspection nous fournit aussitôt la solution de l’énigme. La lune était montée dans le ciel vers son point culminant, et les ombres projetées par la colline s’étaient graduellement raccourcies. Tandis que nous considérions les mustangs, nous avions commis l’imprudence de nous lever, et nos propres ombres s’étaient profilées sur la prairie sous les yeux de nos ennemis. Ceux-ci n’avaient eu qu’à lever la tête pour voir où nous étions.

Nous nous agenouillâmes à l’instant sur les broussailles et nous saisîmes nos fusils. En ce moment un nuage passa sur la lune et déroba la plaine à nos regards. Mais nous n’eûmes pas longtemps à attendre pour être tirés d’incertitude. Des hurlements épouvantables ébranlèrent tous les échos. On eût dit des vociférations démoniaques jaillissant du fond des enfers. Il n’y avait pas à s’y méprendre : ceux qui poussaient ces affreux rugissements étaient des Indiens.

— C’est le cri de guerre des Comanches ! dit Garey. Hourra ! Les Indiens sont tombés sur les Mexicains !

Au milieu des clameurs, nous entendions les pas rapides des chevaux faisant trembler sous eux la plaine. Tout à coup la lune se dégagea des nuages. Les mustangs étaient maintenant montés. Sur chacun d’eux se dressait le buste nu d’un Indien dont les tatouages offraient un aspect d’horreur. Les Mexicains ne pouvaient soutenir l’attaque ; à peine eurent-ils le temps de décharger leurs mousquets. Aucun d’eux ne s’occupa de recharger son arme. La plupart la jetaient aussitôt après avoir tiré et fuyaient alors en désordre. Toute la troupe tourna le dos aux Peaux-Rouges et longea au grand galop le pied du