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DIDEROT.


fait toujours bien en poésie, mais que cela n’est pas réciproque ». L’une des plus belles images de Virgile, l’apparition majestueuse de la tête de Neptune au-dessus des flots, donnerait, traduite en peinture, le plus déplaisant des tableaux.

Presque tout ce que Diderot a écrit de la composition est excellent ; quelque importance que la technique ait dans les arts plastiques, le dessin et la couleur n’y sont pas tout ; ce reste, qui est tout simplement l’âme même de l’œuvre d’art. Diderot le sent profondément. Seulement, s’il a raison sur ce point contre l’école matérialiste de l’art pour l’art, contre les hommes de métier qui ne sont que des hommes de métier, des artisans et non des artistes, le sujet lui-même le préoccupe à l’excès et c’est par là qu’il offre prise. Qu’est-ce que le sujet ? C’est, j’imagine, l’objet que le peintre ou le sculpteur se propose de reproduire. Si l’artiste, par exemple, se propose exclusivement de me montrer une tête de femme, j’ai le droit de lui demander de faire choix d’un beau modèle, parce qu’un beau modèle me fait plus de plaisir qu’un vilain ; mais, cette réserve faite, que la tête soit belle ou laide, si la reproduction de cette tête est vraiment le seul objet de l’artiste, ma critique ne peut porter à bon droit que sur l’exécution, c’est-à-dire sur l’interprétation qui résulte du dessin et du modelé, de la lumière et du coloris. Que si l’artiste, au contraire, a l’ambition de me montrer Andromède, alors mes exigences augmentent ou plutôt c’est lui-même, de son propre fait, qui les a