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DIDEROT.


mêmes qu’ils traitent et par leur style, sont bien aussi pour quelque chose dans cette emphase des comédiens et dans leur démarche empesée. Par conséquent, il conviendrait de les rappeler, eux aussi, à l’observation de la même règle souveraine qui est la Nature.

Si le théâtre, comme les autres arts, a sa perspective propre qui n’est pas identique à celle de la nature et si l’auteur dramatique doit chercher à exprimer la nature ou s’il peut se contenter de la copier, Diderot au surplus ne s’embarrasse pas pour si peu : il a trouvé une formule, il ne s’agit plus que de lui faire produire tout ce qu’elle peut donner. Il procède, d’ailleurs, sinon avec méthode, du moins avec prudence et demande modestement, pour commencer qu’on revienne à la simplicité de l’art grec. Qu’entend-il toutefois par cette simplicité et quel exemple va-t-il emprunter à Sophocle ? Il va tout droit à la caverne de Philoctète : « Approchez-vous, s’écrie-t-il triomphalement, ne perdez pas un mot de ses plaintes et dites-moi si rien vous tire de l’illusion. » Le sauvage, en effet, qui vient de débarquer du Congo et qu’il a mené à la comédie pour en faire le grand juge du théâtre, ne comprend rien aux personnages de la tragédie classique qui parlent un langage rimé et cadencé ; « il doit m’éclater au nez dès la première scène ». Mais un malade, entouré de bandelettes et qui gémit en se traînant : « Apappapaï, papa, papa, papa, papaï ! » voilà ce que l’indigène africain n’aura pas de peine à saisir. Dès