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THÉÂTRE.


lors la conclusion s’impose : pour que l’événement soit représenté « de la manière la plus naturelle », moins de discours, mais plus de cris, moins de paroles, mais plus de gestes. C’est la pantomime, dira-t-on. Pourquoi pas ? N’est-elle pas une portion du drame ? Les anciens n’en avaient-ils point fait un art dont ils surent développer toutes les ressources ? Parle-t-on autant que cela dans la vie réelle ? Est-ce que beaucoup de sentiments ne s’expriment point par les attitudes, par les gestes, par le silence même ? Par suite, s’il est entendu que ce qui nous affecte dans le spectacle de l’homme animé d’une grande passion, c’est quelquefois le discours, mais toujours les cris, les mots inarticulés, les voix rompues, des monosyllabes qui échappent par intervalles et « je ne sais quel murmure entre les dents », il faut renoncer au vers alexandrin, « trop nombreux et trop noble pour le dialogue » ; La Chaussée, s’arrêtant à mi-route, a continué à faire parler ses personnages en vers ; il faut parler en prose. « L’emphase de la versification convenait aux anciens, à leurs langues à quantité forte et à accent marqué, à des théâtres spéciaux, à une déclamation notée et accompagnée d’instruments » ; mais nous convient-elle encore ? D’illustres tragiques ont su tirer de l’ancien système de merveilleux chefs-d’œuvre ; « Corneille et Racine ont reçu les plus grands applaudissements auxquels des hommes de génie puissent prétendre » ; mais ils ont épuisé la mine, ne laissant plus à leurs successeurs que le choix