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histoire de la révolution russe

accident (ou un attentat mystérieux) le privait de l’espoir de perpétuer la dynastie ; s’il mourait tout jeune, comme il y avait apparence, le trône passait au frère du tsar, le grand-duc Michel, favori de la mère de Nicolas II et détesté de l’impératrice. Celle-ci paraît avoir été égarée par sa tendresse maternelle, doublée d’un immense orgueil. Non seulement elle désirait ardemment que son fils vécût, mais que l’héritage du pouvoir autocratique lui fût transmis tout entier. On a affirmé, mais d’autres ont contesté ses sympathies obstinées pour l’Allemagne, son aversion pour tout ce qui était russe[1]. L’histoire se contentera probablement de reconnaître, à l’origine de ses funestes erreurs, l’hypertrophie d’un sentiment légitime, exaspéré par la crainte des attentats et du flot de libéralisme qui montait.


XIV


Deux évêques intrigants, Hermogène et Théophane, avaient introduit à la cour un moine nommé Iliodor qui, depuis 1907, s’était distingué comme fauteur de pogroms. Iliodor, devenu puissant et passant pour saint, protégea à son tour un paysan sibérien nommé Grigori Novykh, qui avait adopté le « nom d’humilité » de Raspoutine, c’est-à-dire « le dissolu », en souvenir des égarements de jeunesse qu’il se reprochait. Ceux qui le

  1. La faveur dont jouirent Iliodor et Raspoutine prouve, semble-t-il, que ce grief n’était pas fondé.