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histoire de la révolution russe

poussèrent le plus efficacement agirent, dit-on, en haine d’Iliodor et d’Hermogène, dont certains personnages de la cour voulaient se débarrasser. Une dame d’honneur de l’impératrice, très liée avec elle, Mme  Wyroubov, semble surtout avoir fait la fortune de Raspoutine. Il professait un mysticisme banal, écho lointain du gnosticisme égyptien, et se disait naturellement inspiré de Dieu, investi par lui du don des miracles. À la fin de 1912, peut-être sous l’influence de Raspoutine, qui commençait à être considérable, le Saint-Synode mit Hermogène à l’écart ; sur quoi Iliodor, que Raspoutine haïssait après s’être servi de lui, sortit de l’Église et demanda publiquement pardon aux intellectuels et aux juifs d’avoir ameuté les foules contre eux. Emprisonné dans un couvent, il parvint à s’échapper et gagna les États-Unis, où il est encore (1917).

Comme le bruit courait que la santé du césarévitch dépendait des prières et des exorcismes de Raspoutine et que beaucoup de grandes dames, se disputant son appui, répondaient par leurs faveurs à la sienne, il devint, malgré son ignorance et ses mœurs relâchées, une autorité dans l’État. Les ministres, les évêques, les chefs de service s’inclinaient devant lui, obéissaient à ses recommandations ; même Witte, assure-t-on, désirant revenir aux affaires, crut opportun de lui faire sa cour.

En février 1912, l’opinion fut saisie de ce scandale ; le Gouvernement défendit aux journaux de nommer Raspoutine. Pourtant, le Golos Moskvy publia une protestation d’un théologien réputé contre le paysan thaumaturge ; la feuille fut confisquée, mais l’article eut un écho à la Douma :